Archive d’étiquettes pour : Kampong

Dans ce quartier situé au nord-est de la Cité-Etat, le temps semble s’être arrêté.

Lorong Buangkok est le dernier « kampong » de Singapour. De ce village des années 1960, il ne reste qu’une dizaine de maisonnettes en bois et au toit de tôles, le long d’un étroit sentier de terre.

Une atmosphère rurale et presque charmante y règne encore alors qu’à quelques centaines de mètres de là, les grues et les engins s’agitent pour faire sortir de terre des immeubles dignes d’un Singapour plus moderne.

 

Chun See Lam, fondateur du blog Good Morning Yesterday. ©Colombe Prins

Chun See Lam, fondateur du blog Good Morning Yesterday. ©Colombe Prins

Paul Anka n’est pas forcément son chanteur préféré mais Chun See Lam aime l’une de ses chansons « Times of your life », dans laquelle l’interprète avec son expression « Good morning Yesterday » met en garde contre le temps qui passe et les souvenirs qui filent. A 62 ans, Chun See Lam est nostalgique et aime à penser aux souvenirs de son enfance dans les années 1950 et 1960.

« Lors d’un voyage d’affaires au Myanmar en 2005, raconte-t-il, je partage avec un japonais un taxi qui nous conduit à l’aéroport. Sur la route, pour faire la conversation, je dis à ce passager que je trouve que Yangon (devenu Rangoon aujourd’hui, ndlr) ressemble à Singapour quand j’étais jeune, avec ses bâtiments de style colonial et ses vieux bus remplis. Mais le japonais, surpris, me répond ‘Singapour a donc du bien changer durant ces dernières décennies’. »

De retour chez lui, Chun See Lam décide de lancer son blog « Good morning Yesterday » pour raconter et faire revivre le « vieux Singapour » qu’il a connu. A l’époque, le consultant en management a 53 ans et est l’un des rares de sa génération à bloguer, mais il y prend goût, sans doute parce qu’il a toujours aimé écrire. Aujourd’hui, il s’amuse sur sa page Facebook Good morning Yesterday et partage avec ses 400 amis des photos d’époque.

Une enfance dans un kampong

Né en 1952, ce singapourien d’origine hongkongaise a grandi dans le petit village ou le kampong de Lorong Chuan, aujourd’hui traversé par la CTE (Central Expressway), l’autoroute centrale. A l’époque, il n’y a ni eau courante, ni électricité et un seau fait office de toilette. « On s’amusait beaucoup dans la jungle, on faisait des combats d’araignées et avec des catapultes on visait les oiseaux, raconte le bloggeur en souriant. Le soir, on allait au cinéma en plein air. La vie était vraiment tournée vers la nature, Singapour était vert et rural, ce qui est très différent aujourd’hui », regrette-t-il.

Son père travaille pour l’armée britannique mais Chun See Lam se souvient quant à lui de la première fois qu’il voit « de près » des européens. « On en voyait peu car il était rare qu’on se mélange », explique-t-il. « Un jour, lorsque je devais avoir 4 ou 5 ans, des chevaux montés par des caucasiens en promenade ont traversé le kampong, les chiens tout excités se sont mis à aboyer », raconte-t-il, les yeux encore pétillants.

Puis vient le temps de l’urbanisation et des immeubles HDB (Housing and Development Board). Le Singapour des années 1970 ne ressemble déjà plus à celui des années précédentes que chérit le bloggeur. En 1974, la famille Lam est contrainte d’emménager dans un appartement. « J’ai du me séparer de mes 3 chiens et moi qui avais l’habitude de vivre dans une maison ouverte, j’avais l’impression d’être enfermé dans cet appartement. »

Du blog au livre

Depuis dix ans, Good Morning Yesterday a acquis une certaine notoriété dans la blogosphère singapourienne. Chun See Lam partage avec les gens de sa génération tous ses souvenirs et ensemble ils se rappellent le bon vieux temps. Les lecteurs, qui sont essentiellement des singapouriens ou des anglais ayant vécu plus jeunes à Singapour, commentent les publications, envoient des photos ou donnent des précisions sur des lieux oubliés. De jolies histoires remontent à la surface et des amitiés virtuelles -mais pas uniquement- se créent entre bloggeurs.

Mais c’est aussi à la jeune génération que Chun See Lam veut s’adresser afin de leur raconter le Singapour d’avant, celui qui appartient déjà au passé et dont il ne reste que peu de traces.

Encouragé par l’un de ses trois enfants, il publie en 2012 « Good Morning Yesterday » dans lequel il retrace uniquement son enfance dans les années 1950 et 1960. Lui qui avait toujours voulu être écrivain, voit enfin son rêve se réaliser.