Pour Marie, « le chocolat comme la cuisine, ça vient du cœur ». Et c’est justement avec une grande bonté que ce maître-chocolatier pratique son métier.
Arrivée à Singapour il y a un an et demi à peine, la Française a installé ses cuisines à Paya Lebar, dans les locaux de l’APSN – Association for Persons with Special Needs. Marie travaille avec une quinzaine d’adultes singapouriens à faible quotient intellectuel et leur apprend à faire du chocolat mais aussi à le préparer et l’emballer pour le vendre ensuite à des entreprises.
« C’est fantastique de travailler avec eux; ils sont très drôles; ils sont pleins de vie », raconte Marie, elle aussi toujours joviale.
Un métier, une passion
« Je fais un métier génial, je fais du chocolat et je le travaille enfin comme j’aime le faire », explique la fondatrice de l’entreprise sociale Wildness.
Marie est une gourmande. Et à force de manger du chocolat noir, elle est victime d’une rare intoxication à l’oxalate le soir de son anniversaire l’année dernière. Le chocolat c’est sa passion. Après avoir étudié dans une école de Cuisine, mention spéciale Chocolaterie, elle se perfectionne auprès du célèbre maître-chocolatier lyonnais Maurice Bernachon.
En 2011, elle fait même l’acquisition au Brésil d’une plantation sur laquelle pousse notamment du cacao. C’est là qu’elle vit avec sa famille pendant quelques années avant de retrouver « sa maison » : la Nouvelle-Zélande.
Marie arrive à Wellington à l’âge de 22 ans. A l’époque, elle travaille pour la chaîne hôtelière Intercontinental. Le pays des Kiwis devient son pays d’adoption dont elle a même obtenu la nationalité. Et c’est là que tout a commencé.
Une parenthèse brésilienne
En 2014, à son retour du Brésil donc, Marie, maman de trois enfants décide de créer sa chocolaterie, en travaillant notamment un fruit qu’elle a découvert à Bahia… le Cupuaçu (prononcé « Ku-poo-ah-soo ») qui appartient à la même famille que le cacao. Toutes les semaines, elle reçoit du Brésil par courrier, sous vide, des morceaux de fruits séchés qu’elle mélange à son chocolat. Une façon pour elle de faire découvrir cette chaire blanche aux nombreuses propriétés anti-oxydantes.
Autre souvenir du Brésil, le logo de la chocolaterie : un petit singe, un Capucin du Parc de Conduru.
Des prisonniers comme employés
Un soir, en regardant – installée dans son salon à Wellington- un documentaire de Pierre Bellemare sur le travail des prisonniers en France, la jeune entrepreneure a l’idée de recourir aux détenus pour l’aider dans son entreprise. Dès le lendemain, elle reçoit l’accord du « Department of Corrections » de travailler avec la prison de Rimutaka, située à une heure de la capitale, en pleine forêt.
Marie commence alors dans le quartier des femmes avant de s’agrandir et de s’installer dans la partie réservée aux hommes. Et c’est donc pour des raisons de sécurité que l’on taira son nom de famille.
Wildness est la seule entreprise privée à être installée à l’intérieur même d’une prison néo-zélandaise. Mais pas question pour Marie de payer sa quinzaine d’employés au salaire habituellement bas versé aux prisonniers. Elle veut les payer normalement. « Ils s’occupent de l’impression des emballages, de la gestion des stocks de chocolats, de l’emballage des commandes et de la distribution jusqu’aux clients », explique Marie. Ils sont tous dans des endroits différents de la prison, purgeant des peines allant de douze ans à perpétuité, mais ils ont trouvé une façon de s’organiser. Le chocolat est quant à lui fabriqué à côté, à l’extérieur de la prison.
« Ma plus grande victoire est d’avoir donné sa chance à un détenu que personne ne voulait embaucher pour des missions à l’extérieur de la prison, raconte Marie. Il avait 27 ans lors de son incarcération et avait une peine de 30 ans à purger. Il est devenu mon chef d’équipe pendant 2 ans, il a retrouvé son estime de soi et aujourd’hui, il est employé à l’extérieur. C’est une très grande perte pour moi mais pour lui c’est bien ».
Marie partage désormais son temps entre la Nouvelle-Zélande et Singapour, et en son absence, les détenus gèrent eux-mêmes les commandes. La Française de 40 ans a tissé de véritables liens avec ses employés d’ici ou là-bas.
« C’est rare de ressentir autant de sentiments différents dans son métier, ajoute-t-elle. Travailler avec des personnes qui ont des besoins spécifiques n’a rien à voir avec une expérience auprès des prisonniers. »
Un chocolat exigeant
Le chocolat de Marie est noir ou rose, mais pas que… Il est aussi issu de l’agriculture biologique et provenant de plantations interdisant le travail des enfants, dans un respect profond de l’environnement. Son emballage imprimé à l’encre de soja est 100% biodégradable. « Les gens doivent comprendre que l’on peut faire du business tout en étant bio et social », conclut-elle.